vendredi 29 octobre 2010

Le processus pour avoir un implant cochléaire

Je suis très consciente de la chance incroyable que j’ai d’avoir accès à cette technologie.  Pendant plusieurs années, je croyais que c’était inaccessible, et surtout, ça me faisait peur.  Je me disais que ça devait donner un son mécanisé auquel je ne pourrais pas m’habituer.  Puis, j’ai vu le documentaire Franchir le mur du son, avec les enfants de René Simard.  J’ai pleuré tout le long.  On y voit entre autre une dame de 75 ans qui reçoit un implant et qui voit sa vie transformée.

Puis, le 11 novembre 2008, au Centre régional de réadaptation La RessourSe, à Gatineau, j’ai assisté à une conférence donnée par Louise Normand, une porteuse d’implant de la région d’Ottawa-Gatineau.  J’ai encore pleuré tout le long, ah! ah!, ça me rend très émotive… Mais ça a vraiment remis les pendules à l’heure dans mon cas, car ça a vraiment changé sa vie et elle est devenue très active et épanouie.  J’ai alors commencé à envisager sérieusement la possibilité d’avoir un implant un jour. 

Été 2009 : je demande à mon audiologiste de Gatineau, Annie Bourque, ce qu’il faut faire pour savoir si on peut être candidat(e) ou pas à un implant.  Je me dis qu’à ma retraite, dans 5 ans, j’aimerais le faire (et je soupçonne que la liste d’attente est longue), mais je veux savoir tout de suite si je suis candidate, car sinon j’en ferai mon deuil immédiatement.  L’audiologiste envoie ma demande à mon ORL d’Ottawa (Dr. André Lamothe), puisque c’est l’ORL qui doit prendre la décision.

5 janvier 2010 : rencontre avec le Dr. Lamothe.  Il me dit que cette opération se fait au campus Civic, par le Dr. David Schramm, et qu’il lui enverra mon dossier.

22 février 2010 : rencontre avec Josée Chénier, audiologiste au programme d’implant cochléaire de l’Hôpital Civic, pour un test d’audition.  Ouf!  Ce fut certainement le test le plus détaillé et le plus long que j’ai subi dans ma vie… Je suis épuisée à la fin.  Josée me dit que je suis « bordeline », mais assez sourde pour qualifier pour un implant.
Dans le cartable fourni par l’hôpital, on indique les critères d’audition pour être admissible à un implant cochléaire :
  • surdité de degré sévère à profond aux deux oreilles
  • peu de bénéfice des appareils auditifs
  • difficultés importantes à reconnaître la parole sans indice visuel
  • utilisation limitée, voire impossible, du téléphone
  • nécessité de s’appuyer sur la lecture labiale ou sur la rédaction de notes pour comprendre la parole.
Dans mon cas, c’est oui à tout, et les scores à l’épreuve de reconnaissance de la parole dans le silence (sous écouteurs et à mes niveaux de confort) étaient les suivants :

Oreille droite : 0% (niveau de confort de 90 dB HL)
Oreille gauche : 1ère liste  30% à 85 dB HL - 2e liste  26% à 85 dB HL

Wow!  Pas étonnant que j’ai de plus en plus de difficulté à fonctionner et à parler au téléphone!  Josée précise : La reconnaissance de la parole est mesurée avec des monosyllables.  C’est nécessairement beaucoup plus difficile que la reconnaissance de phrases (plus d’informations, donc plus de ‘guess work’ pouvant donner de bonnes réponses…).  Avec les phrases, ton score de reconnaissance monte à environ 50%...

Elle m’apprend que je dois maintenant passer un test d’équilibre, un scan et probablement une IRM pour vérifier que je n’ai pas de lésion dans l’oreille qui empêcherait le fonctionnement d’un implant.  Ces tests vont s'échelonner sur plusieurs mois.

Elle me dit aussi que la RAMQ doit accepter de payer pour que je me fasse opérer à Ottawa plutôt qu’au Centre Hospitalier universitaire de Québec, le CHUQ .  Au Québec, toutes les chirurgies d’IC se font au CHUQ, là où pratique le célèbre docteur Pierre Ferron qui a opéré les enfants Simard.  Mais les résidents de l’Outaouais peuvent exceptionnellement se faire traiter au Civic, si la RAMQ accepte la dérogation.  Une trentaine de patients ont été acceptés jusqu’à présent, selon Josée.

Elle me dit surtout qu’il y a une liste d’attente de trois ans.  Je me suis dit alors que j’avais bien fait de m’y prendre tôt, et que ce sera parfait pour mon début de retraite. Hé, hé!

5 juin 2010 : Tomodensitométrie (CT-SCAN) des oreilles, un samedi soir à 19 h 30, à l’urgence de l’hôpital Civic.  Le rendez-vous est pris depuis quelques semaines, pas un chat ce soir-là, en 19 minutes on était arrivées et reparties!  Les scans et IRM des hôpitaux de l’Ontario sont faits 24 heures par jour!

7 juin 2010 : test d’équilibre ou électronystagmographie à l’Hôpital d’Ottawa, campus General.  C’est un test qui permet de vérifier si les canaux de l'oreille interne sont fonctionnels dans les deux oreilles, c'est ce qui nous permet de garder notre équilibre.   Puisque je suis complètement sourde de l’oreille droite, ça devrait normalement être l'oreille qui recevra l'implant.  Mais supposons que le canal interne de l'oreille gauche est défectureux et que mon équilibre dépend uniquement de l'oreille droite, ils n’iront pas me placer l’implant à droite, vous comprenez?  Car l'implant risque de nuire à la partie de l'oreille qui nous sert à tenir en équilibre.

C’est un test qui n’est pas des plus agréables à passer, d’autant plus que je suis claustrophobe et que ça se passe dans le noir, mais ce n’est pas si mal que ça.  On m’assoit sur une chaise, on place des électrodes près des yeux et on ferme les lumières.  Je dois suivre des yeux un point rouge au laser projeté sur un mur noir, et qu’on promène rapidement et à intervalle irrégulier de gauche à droite, de haut en bas et vice-versa.  Ensuite on met la chaise presqu’à l’horizontale et je dois fixer un point pendant que la chaise bouge.  Puis on m’injecte de l’air (dans certains cas c’est de l’eau) dans une oreille à la fois pendant une minute.  Pas le fun du tout, mais pas la fin du monde.  J’étais légèrement étourdie après pendant quelques minutes et on peut avoir des nausées (ce ne fut pas mon cas), c’est pour ça qu’on doit se faire raccompagner à la maison par quelqu’un.  On me dit sur place que j’ai réussi haut la main, mon équilibre est correct dans les deux oreilles.  Ouf!

25 juin : Josée, mon audiologiste, a maintenant assez d’informations pour envoyer à la RAMQ une lettre demandant s’ils acceptent de payer pour l’implant cochléaire (chirurgie et appareils), étant donné que la chirurgie aura lieu du côté de l’Ontario.

8 juillet, 5 h 30 du matin : Imagerie à résonnance magnétique à l’Hôpital d’Ottawa, campus General. Hummm… Étant claustrophobe, je suis un peu anxieuse.  On m’enlève lunettes et appareils auditifs, là je me sens vraiment toute nue, ah! ah!  Mais finalement, je garde les yeux fermés et tout se passe bien.  Comme on radiographie uniquement la tête, c’est moins long, une quinzaine de minutes.  Mais ciel que cette machine fait du bruit!! Imaginez, on m’a mis des écouteurs anti-bruit, je suis sourde et ça fait du vacarme infernal.  Qu’est-ce que ça doit être pour les gens qui ont une ouïe normale ???

26 août, 12 h 41 : je reçois une lettre de Josée : (…) On a discuté de votre cas et pour l’instant, si ça vous convient et si nous recevons une réponse positive de la RAMQ sous peu, nous pourrions vous offrir le 12 octobre.  (…) WOW !!!! Inutile de vous dire que j’ai sauté au plafond ! 12 octobre !!! Mais c’est dans 7 semaines ça !!! Après quelques minutes de réflexion, je mets en branle le processus de remplacement à mon travail, mes patrons sont d’accords. :-)

À partir de ce moment-là, je me mets à faire des recherches intensives sur l’implant cochléaire dans Google.  Moi qui pensais que ça se passerait à ma retraite, dans cinq ans !!!  Je passe des heures à lire des témoignages entre autre sur le site du Centre d'Information sur la Surdité et l'Implant Cochléaire (CISIC), en France.  Pas beaucoup d'expériences négatives là-dedans !

11 septembre : je participe à la rencontre du groupe d’entraide des porteurs d’implants cochléaires d’Ottawa, en anglais.  Une quinzaine de personnes y assistent, là aussi toutes contentes de pouvoir entendre beaucoup mieux! ***

J'y apprends que l'Hôpital Civic a un quota de 20 patients ontariens par année car c'est une opération qui coûte très cher (70,000 $ au bas mot!).  Lorsque ce quota est atteint, le Dr. Schramm opère les patients de d'autres provinces (Outaouais, Atlantique et Manitoba).  Voilà pourquoi ce fut si rapide !

15 septembre : Josée m'apprend que c’est officiel, la RAMQ accepte de couvrir les frais de l’opération, yesss!

23 septembre : j’adhère au forum Groupe Implant Québec sur Yahoo.  Moins de 24 heures plus tard, j’ai déjà des offres d’aide de gens de Gatineau, Louise Goyette et Guy Grégoire.  Je les rencontre quelques jours plus tard, et croyez-le ou non, nous habitons tous les trois dans le même quartier de Gatineau!!  Je récolte de précieux renseignements et toute une dose d'énergie positive de leur part! :-) ***

1er octobre : rencontre avec Josée pour choisir le modèle d’implant (ça fera l’objet d’une autre chronique) et première rencontre avec le Dr. Schramm.   Il prend le temps de passer en revue mon scan et mon IRM (ça montre que la structure de mon oreille est tout à fait adéquate pour recevoir un implant) et il m’explique le déroulement de la chirurgie.  Il m’inspire confiance, c’est le moins qu’on puisse dire !

4 octobre : Sur recommandation du chirurgien, je me rends à ma clinique médicale pour recevoir un vaccin contre la méningite (Pneumovax 23).  Les receveurs d'implants cochléaire sont plus à risque, même si celui-ci est minime (voir infos de Santé Canada).

7 octobre : tests pré-opératoire à l’hôpital, surtout prises de sang et tension artérielle.

12 octobre, 6 h 15 du matin :  Arrivée à l’hôpital. On y est ! (Voir le post Samedi 16 octobre - convalescence).

*** Ces sujets feront l’objet d’une future chronique sur les ressources disponibles en Outaouais

A lire : Les implants cochléaires pour les adultes, une conférence de Shelly Armstrong M.Cl.Sc., Josée Chénier M.O.A. et David Schramm MD FRCSC FACS

jeudi 28 octobre 2010

L'histoire de ma perte auditive

Pour vous situer un peu, voici quelques détails sur ma perte auditive.  J’avais huit ans lorsqu’un professeur à l’école primaire a remarqué que je n’entendais pas bien.  Mes parents m’ont amenée voir un ORL, qui jugea que peut-être valait-il mieux m’enlever les amygdales, qui étaient peut-être infectées, ce qui causait peut-être la perte auditive.  Rien ne changea après l’opération, malheureusement.
16 ans : je me souviens que je n’entendais pas sonner le téléphone à la maison.  Mes parents trouvaient que j’avais une ouïe sélective (LOL).
18 ans : apparition des acouphènes. Ouche.  Panique.  Comme je suis à Québec, étudiante à l’Université Laval, je vais à l’Hôpital Sacré-Cœur pour voir ce qui peut être fait.  À ma grande déception, on me dit que je vais devoir apprendre à vivre avec mes acouphènes, et que mon nerf auditif est défectueux.  On ne connaît pas la cause de tout ça.
Ce qui me frappe lorsque je me rappelle cette période, c’est que ma surdité ne devait certainement pas être très grande, car en classe, dans les immenses auditoriums du pavillon de Koninck à l’Université Laval, je m’assoyais toujours dans les dernières rangées.  Chose impensable aujourd’hui, car je dois nécessairement lire sur les lèvres pour comprendre un prof ou un conférencier.
21 ans : je suis commentatrice-intervieweuse à la radio de Radio-Canada à Regina, en Saskatchewan.  Là, la surdité devient plus problématique.  Quand je fais du montage (à l’ancienne, avec un ruban et une lame de rasoir), je coupe souvent des respirations au début ou à la fin des extraits sonores.  Je ne les entends pas…  Mon patron me suggère d’aller voir un audiologiste.  Par chance, le Saskatchewan Hearing Aid Plan était très avancé pour l’époque.  J’ai donc obtenu mon premier appareil auditif analogue, pour l’oreille droite.  Je me rappelle avoir entendu des oiseaux pour la première fois en sortant du bureau de l’audioprothésiste!
27 ans : mon ouïe continue de se détériorer lentement.  Je n’entends pas les hautes fréquences.  L’audiologiste m’explique que chaque syllabe d’un mot commence et finit par une haute fréquence.  Donc « j’entends, mais je ne comprends pas ».  Parfois c’est comme si on me parle dans une langue étrangère.  Mon audiogramme de l’époque indique que j’ai 76 % de reconnaissance de la parole dans l’oreille droite, et 72 % dans l’oreille gauche.  On me donne un 2e appareil analogue, pour l’oreille gauche.
36 ans (je suis alors établie à Gatineau) : mon audiogramme montre que j’ai 80 % de reconnaissance de la parole dans l’oreille droite, et 90 % dans l’oreille gauche.  Si c’est plus haut qu’en Saskatchewan, je soupçonne que c’est parce que le test se passait en anglais à Regina, et en français ici ! 
À peu près à cette époque, je fais l’acquisition ($$$$ très cher!) de deux appareils auditifs numériques Widex.  Wow! Quelle amélioration!  Alors qu’un appareil auditif analogue amplifie tous les sons sans discrimination, un appareil numérique est un mini-ordinateur qui est programmé pour amplifier uniquement les fréquences que vous n’entendez pas.  Je me souviens avoir entendu une chanson de Michel Rivard à la radio dans l’automobile, et avoir été capable de comprendre quelques paroles!
Dans les années suivantes, mon ouïe se détériore, mais très lentement, et surtout, au même rythme pour les deux oreilles.  Le graphique ci-dessous montre que jusqu’en 2004, j’entendais à 60 % de l’oreille droite, et 52 % de l’oreille gauche.  Mais entre 2004 et 2007, j’ai perdu presque toute mon audition dans l’oreille droite, qui est descendue à 10 % environ en 2010.
Pourcentage de reconnaissance de la parole entre 1987 et 2008.
 
C’est à ce moment-là que j’ai commencé à songer sérieusement à entreprendre les démarches pour éventuellement avoir un implant cochléaire…
Mais ça, c’est un autre « post » J

samedi 16 octobre 2010

Samedi 16 octobre, convalescence

Jour 5 depuis la chirurgie qui s'est très bien déroulée, grâce aux bons soins du Dr David Schramm.  Mes acouphènes me ralentissent, je ne suis pas encore en mesure d'écrire longtemps, alors je vais me contenter de mettre quelques photos...


Mardi 12 octobre 2010, Hôpital d'Ottawa - Campus Civic, 19 h 05 : ma conjointe Rachelle vient à peine d'avoir l'autorisation de me voir.  Je suis réveillée depuis midi 30, je suis entrée dans la salle d'opération vers 8 h du matin.










Mercredi 13 octobre, 6 h 53.  Exactement 24 heures après mon arrivée, je rentre à la maison.  J'ai l'air d'une éclopée de la 1ère guerre mondiale !!! LOL











Mercredi, 7 h 23, à peine deux minutes après être entrée dans la maison, un moment de folie : je suis tellement contente que j'ameute ma gang en envoyant des photos!!

Durant la journée, un acouphène (tonalité stridente) infernal à l'oreille droite me fait presque paniquer.  Heureusement, je peux concentrer mon attention sur une belle histoire, le sauvetage des mineurs chiliens...








Mercredi 13 octobre,
21 h 05. 
Mouchka n'a que faire
de mon bandage!











Jeudi 14 octobre, clinique Parkdale, bureau du Dr. Schramm :
on enlève le bandage et on remplace le pansement original.







  






Avant de remettre le nouveau pansement, Rachelle prend le temps de prendre une photo qui me permettra vraiment de voir de quoi j'aurai l'air quand le pansement sera complètement enlevé !


  

  









Le Dr Schramm est reconnu pour être un magicien du bistouri !











  
Et hop, un nouveau pansement est remis. 
Pas évident avec les lunettes. 
Le samedi matin, j'ai dévissé la branche droite,
pour ne pas accentuer la pression sur la plaie...

jeudi 7 octobre 2010

La saga d'un implant cochléaire... en Outaouais

Pourquoi créer un blogue sur le processus qui mène à un implant cochléaire ?  Il y en a quand même quelques-uns sur le Web... Lire les témoignages de gens qui ont eu un implant cochléaire m'a BEAUCOUP aidée à me préparer, à démystifier le processus, la chirurgie, et aussi à choisir le modèle d'implant.  Sauf qu'il s'agissait de témoignages de gens qui habitent en France, ou encore de québécois qui ont dû aller à Québec, car le CHUQ est le seul hôpital au Québec à pratiquer cette chirurgie.

Mais moi, j'habite en Outaouais, à Gatineau, une région frontalière avec l'Ontario.  J'ai donc la chance d'habiter à 8 kilomètres de l'Hôpital d'Ottawa, campus Civic, là où se pratiquent également des chirurgies d'implants cochléaires, avec beaucoup de succès !  Quelle chance ! 

Puisque le fait d'être québécoise et de me faire opérer en Ontario entraîne toutes sortes de spécificités, j'ai donc choisi de faire un compte-rendu détaillé, incluant des photos et possiblement des vidéos, à l'intention des futurs implantés cochléaires de l'Outaouais.

Nous sommes le jeudi 7 octobre, et la chirurgie aura lieu le 12 octobre !  Je suis fébrile, j'ai quelques angoisses qui viennent et qui repartent aussitôt, mais je sais que je suis entre bonnes mains !